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Qui veut d’un président ? – Pyat vs Lamartine

Comme de nombreuses nations, depuis 1965, et conformément à la Constitution du 4 octobre 1958, la France élit un président au suffrage universel. Ce choix d’un régime présidentiel ne va pourtant pas de soi. Rappelons qu’après la Révolution française de 1789 qui met fin à l’Ancien Régime, c’est-à-dire à la monarchie absolue de droit divin, la France connaît différents régimes politiques : plusieurs Monarchies, deux Empires, et cinq Républiques, entre autres.

Penchons nous un instant sur la IIème République, qui est à la fois le dernier régime à avoir été institué à la suite d’une révolution, et le premier régime présidentiel en France. La IIème République marque le grand retour du suffrage universel masculin, instauré sous la Révolution française. Décrété le 5 mars 1848 par le républicain radical Alexandre Ledru-Rollin, ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire, il sera d’abord exercé lors des élections législatives d’avril 1848 pour désigner les membres de l’Assemblée Constituante.

Il y a donc une forme de continuité institutionnelle entre la Ière République de 1792 et la IIème République de 1848, puisqu’elles s’appuient toutes deux sur le suffrage universel masculin comme mode de légitimation du pouvoir. Mais pourquoi ce choix d’un régime présidentiel ?

Alphonse de LamartineToutes les citations d’Alphonse de Lamartine sont tirées de son discours du 6 octobre 1848 prononcé à l’Assemblée nationale, qui a proclamé la naissance de cette IIème République le 24 février 1848, la décrit plus tard en ces termes :

« La République, telle que nous l'avons proclamée, conçue, ébauchée quatre mois, la République d'enthousiasme, de modération, de fraternité, de paix, de protection à la société, à la propriété, à la religion, à la famille, la République de Washington ! »

On remarque ici que Lamartine, comme bien des députés de la IIème République, a le regard tourné vers les États-Unis plutôt que vers la Ière République, ou vers la Constitution de 1793, qui n’a jamais été appliquéeLa Constitution de 1793 prévoyait non seulement le suffrage universel, mais aussi une forme de démocratie semi-directe, qui permettrait pour un dixième au moins des électeurs représentant la moitié plus un des départements, de soumettre à référendum toute loi votée par le Corps législatif. Elle déterminait une concentration des pouvoirs en faveur de l'Assemblée (et non du chef de l’État) ainsi que la possibilité pour le peuple de proposer directement des candidats au conseil exécutif ou de se prononcer sur les lois. . La Révolution de 1848, aussi appelée “Révolution de Février”, a d’ailleurs été précédée par la “campagne des banquets”. C’est en partie la menace d’interdiction d’un banquet parisien prévu le 22 février 1848, en l’honneur de Georges Washington (né le 22 février 1732) qui déclenche la Révolution de 1848.

Il y a donc une ambiguïté dans le rapport qu’entretiennent les députés français à la démocratie et à la République. En effet, ils sont partagés entre deux modèles différents, voire concurrents de démocratie, entre d’une part l’héritage révolutionnaire de 1789 et d’autre part le modèle américain.

Lamartine lui-même souligne cette hésitation entre deux types de République : « il s'agit [...] non seulement de déterminer si le Président de la République sera nommé par l'Assemblée Nationale ou par le pays ; mais il s'agit encore […] de savoir si la République aura un Président, ou si elle n'aura que des conseils, des comités de salut public, de sûreté générale, de recherches, comme nos premières assemblées révolutionnaires. »

Le modèle présidentiel a quelques détracteurs à gauche. Certains, comme le député Félix PyatToutes les citations de Félix Pyat sont tirées de son discours du 5 septembre 1848 à l’Assemblée nationale Constituante, craignent la concentration des pouvoirs aux mains du président.

« Le président, chez nous, tendrait à résumer, à concentrer, à absorber tous les pouvoirs, à représenter, à personnifier, à incarner le peuple, à faire de la république une vraie monarchie. Le danger, en France, est en sens inverse des États-Unis. Aux États-Unis, il est dans la dispersion des provinces, et il fallait un président ; en France, il est dans la concentration ; et il ne faut qu’une Assemblée. »

Une Assemblée, en effet. Car c’est la chambre unique que choisissent les députés de la IIème République, refusant la proposition d’Alexis de Tocqueville d’adopter un système bicaméral à l’anglosaxonne, au motif qu’il faut équilibrer le pouvoir du président par une Assemblée forte. N’en déplaise à Félix Pyat, l’Assemblée constituante tient à son président. Donc elle veut un président, mais face à une seule chambre, ce qui ressemble un peu à la Constitution de 1791.

Par ailleurs, les députés français ne sont pas convaincus par le système de grands électeurs sur lequel repose l’élection du président américain, où les citoyens élisent des délégués qui eux se chargent d’élire le président. L’amendement de Tocqueville en ce sens sera rejeté. D’après lui : « nos grands hommes jugèrent que ce système n'était pas assez simple et ils le trouvèrent légèrement entaché d'aristocratie »Toutes les citations d'Alexis de Tocqueville sont tirées de Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893. . Pour Lamartine, ce type de scrutin indirect convient aux fédérations mais pas à la France : « il ne vous échappe pas que la France n'a rien, n'a rien eu, n'aura rien, ne veut rien avoir de comparable, dans sa constitution sociale et nationale, à ces fédérations qu'on nous cite sans cesse en exemple ». Toutefois si le premier amendement de Tocqueville est rejeté, un second amendement de Tocqueville est accepté, qui vise à conjurer un autre péril, celui de la représentativité du président. Selon lui : « La majorité relative devant suffire pour rendre l'élection valable, il pourrait se faire que le président ne représentât que les volontés d'une minorité de la nation. » C’est pourquoi c’est à la majorité absolue que doit être élu le président de la IIème République, sans quoi c’est à l’Assemblée nationale de le nommerConstitution de 1848, Chapitre V, articles 43 à 47. À noter que dans le même ordre d’idées, l’article 40 précise que « La présence de la moitié plus un des membres de l'Assemblée est nécessaire pour la validité du vote des lois. » .

Au final, deux alternatives principales émergent pour adapter le modèle présidentiel américain à la France : la première, soutenue entre autres par Félix Pyat, propose que le président soit élu par les députés de l’Assemblée nationale, la seconde, soutenue notamment par Alphonse de Lamartine, propose un président élu au suffrage universel.

Lamartine met en avant la légitimité démocratique du suffrage universel masculin : « Ce que nous vous proposons, nous, avec la commission, c'est de dire loyalement, hardiment à tous les citoyens du pays, à chaque citoyen du pays […] : Réfléchis, réfléchis et juge, […] choisis toi-même parmi tous les concitoyens, parmi ceux dont le nom, venu jusqu'à toi, t'inspirera le plus de sécurité, le plus d'estime, le plus de confiance, choisis-le et nomme-le. »

Félix Pyat, lui, y voit un danger pour la démocratie : « Tout député veut être ministre, et tout ministre président, le plus fort des rois, puisqu’il est élu [...]. ». C’est précisément cette légitimité populaire vantée par Lamartine qui rend le président dangereux aux yeux de Pyat : « En effet, un roi, un roi constitutionnel était un pouvoir subi, accepté, si vous voulez, mais ni conféré, ni consenti par tous, par conséquent plus ou moins reconnu, plus ou moins discuté, plus ou moins faible. Un président, au contraire, un président nommé, comme le veut le projet de constitution, par la majorité absolue des suffrages du peuple, aura une force immense et presque irrésistible. Une telle élection est un sacre bien autrement divin que l’huile de Reims et le sang de saint Louis. »

Ainsi, le président risque de court-circuiter le pouvoir de l’Assemblée, de lui faire concurrence, et, en un mot, de lui ôter toute ou partie de sa souveraineté.

« L’homme ainsi investi de cette magistrature [...] pourra dire à l’Assemblée :

“[...] Chacun de vous n’a été élu que par un département, non par la France ; [...] je vaux, à moi seul, plus que toute l’Assemblée ; je représente mieux le peuple, je suis plus souverain que vous.” »

La crainte principale de Félix Pyat est donc celle d’un retour à la monarchie qui ne dit pas son nom.

« Ajoutez le mot héréditaire au président de votre constitution, et vous avez un roi véritable, un roi du passé ; bref, c’est un roi électif [...] ; c’est un pouvoir rival, jaloux, qui viendra encore parler de ses droits à côté des vôtres, quand il n’a que des devoirs vis-à-vis de vous ; qui répondra à vos interpellations par les questions pendantes et les faits accomplis ; qui pourra enfin, s’il le veut, gouverner contre vous et sans vous. »

Pour Félix Pyat, l’Assemblée nationale doit rester souveraine, et doit nommer le pouvoir exécutif, c’est-à-dire le président.

« En résumé, je veux donc une assemblée nommant son pouvoir exécutif, un simple président du conseil qui n’ait pas ces attributions, ces prérogatives, cette force indépendante, cette initiative, ces traitements, ces états-majors, cour et couronne, toutes les conséquences de la royauté ; car je veux la république ; je la veux simple, vraie, libre et à bon marché. »

Selon Pyat : « dans une République il n’y a plus qu’un droit, le droit du peuple, qu’un roi, le peuple même représenté par une assemblée élue, l’Assemblée nationale. Cette assemblée doit donc être souveraine comme le peuple qu’elle représente ; elle résume tous les pouvoirs, elle règne et gouverne par la grâce du peuple, elle est absolue comme l’ancienne monarchie, et peut dire aussi : l’État c’est moi ; seulement elle le dit avec le droit, parce qu’elle le dit au nom du peuple. »

Au contraire, Lamartine rejette catégoriquement cette idée que le pouvoir législatif doit l’emporter sur le pouvoir exécutif. Là où Félix Pyat craint la concentration des pouvoirs aux mains du président, c’est la concentration des pouvoirs aux mains de l’assemblée que craint Lamartine. Ainsi, Lamartine renvoie Félix Pyat aux heures les plus sombres de la révolution française, et au spectre de 1793 : « si vous le voulez, ayez la logique tout entière de votre pensée, ne confondez pas seulement en vous le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, confondez aussi le pouvoir judiciaire, et alors appelez-vous de votre vrai nom, appelez-vous la terreur ! »

Pour Lamartine l’héritage révolutionnaire de la Terreur résonne « non pas comme un appel, mais comme un épouvantail dans notre histoire pour nous écarter de ce système ». Selon lui, l’avantage d’élire un président, c’est que l’on sait qui tenir pour responsable des décisions prises, à l’inverse des décisions collégiales prises par les assemblées révolutionnaires : « Je dirai très peu de choses de plus sur un autre mode de gouvernement [...], celui des comités, celui de ces Gouvernements irresponsables, de ces Gouvernements les plus terribles ; savez-vous pourquoi ? Parce qu'ils sont anonymes, parce que, étant anonymes, la responsabilité s'y égare […]. »

L’élection du président au suffrage universel serait une garantie contre la corruption de l’Assemblée : « On peut corrompre les hommes par petits groupes, on ne peut pas les corrompre en masse. On empoisonne un verre d'eau, on n'empoisonne pas un fleuve ; une Assemblée est suspecte, une nation est incorruptible comme l'Océan. » Lamartine cherche aussi à minimiser le danger qui inquiète Félix Pyat : « Messieurs, ce n'est pas certes contre l'excès de forces qu’il faut nous prémunir [...] ; et la prudence véritable [...] doit être, au contraire, de chercher par tous les moyens légaux, par tous les moyens constitutionnels, à créer au pouvoir exécutif militaire de la République cette force qui ne sera jamais de trop, puisque, dans nos institutions présentes, ce ne sera jamais que la force du pays lui-même. »

Mais il est vrai que le président décrit par Lamartine, semble incarner le peuple et non le représenter.

« Celui-là [...] sera ta personnification même, [...] il sera le chef, le modérateur, le régulateur de tes institutions républicaines ; il protégera ta propriété, celle de ta famille, celle de tes enfants. »

Là où Pyat interprète le sacre du président comme une dérive, Lamartine y voit une figure républicaine qui incarne l’unité de la République de façon symbolique, à la façon d’une Marianne librement élue.

« Qu’est-ce autre chose que le peuple tout entier se dépouillant volontairement, homme par homme, citoyen par citoyen, de sa propre souveraineté pour investir quoi ? non pas un citoyen plus grand que lui, [...] mais un Gouvernement plus collectif, un Gouvernement plus universel, plus populaire, s’il se peut, que le peuple lui-même. »

Lamartine n’explique pas comment un gouvernement peut être plus populaire que le peuple lui-même, mais la notion de popularité est capitale pour lui.

« Dans les républiques, quelle est la force ? où la puise-t-on ? comment la conserve-t-on ? par quels signes la marque-t-on sur le front des pouvoirs, des institutions et des hommes ? Le pouvoir, dans les républiques, est dans la popularité, ou il n'est nulle part. »

Lamartine va jusqu’à déclarer que « cette popularité, […] elle est le pouvoir tout entier ». Cependant, cette popularité peut être à double tranchant. Et Félix Pyat n’est pas le seul à s’inquiéter du risque de coup d’état présidentiel. Le 6 octobre 1848, Jules Grévy demande à Lamartine : « Êtes-vous bien sûrs que parmi les personnages qui se succèderont tous les quatre ans au trône de la présidence, il ne se trouvera jamais un audacieux tenté de s'y perpétuer ? Et si cet ambitieux est un homme qui a su se rendre populaire ; [...] si c’est le rejeton d'une de ces familles qui ont régné sur la France [...], répondez-vous que cet ambitieux ne parviendra pas à renverser la République ? »Discours de Jules Grévy et de Lamartine à l'Assemblée nationale, 6 octobre 1848, cités par Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2004, pp. 150-151. 

Car, après la répression des journées de juin qu’elle a ordonnée, c’est plutôt l’Assemblée nationale qui manque de popularité. Il s’agit donc (pour Lamartine) de rassurer le peuple français en lui accordant le droit de vote.

« Vous le savez comme moi, citoyens, les tristes agitations d’avril, de mai, de juin, la crise financière, les difficultés de la circulation, et cette faction involontaire de la misère publique sur laquelle nous essayons tous les jours d’attendrir, d’émouvoir l’âme de la République [...] ont un moment aliéné, ébranlé les cœurs des faibles parmi une partie de la population du pays. »

Ces “tristes agitations” sont donc imputables aux républicains les plus radicaux, qui selon Lamartine ont semé la confusion, « par un système soi-disant ultra républicain que ces populations mal éclairées pouvaient confondre, non pas avec le progrès, mais avec la subversion de la société elle-même. » Ainsi, d’après Lamartine, « on a dit au peuple : Voyez ce que c’est que la République ; c’est le partage des terres, [...] c’est la main de l’État dans la liberté des industries [...] ; c’est la ruine du travail libre. C’est la profanation des religions et des cultes, c’est la menace aux propriétaires, c’est la violence faite à la famille, ce sont des agitations populaires incessantes, ce sont ces clubs anarchiques ou sociaux établis à tous les coins de vos rues ou des places publiques [...] ! » Le désamour pour la République serait lié à un malentendu : « on l'a fait méconnaître en la calomniant dans le pays. »

Pour Lamartine ce ne sont pas les classes populaires victimes de la répression de juin qu’il s’agit de rassurer, mais plutôt les classes moyennes et supérieures les plus conservatrices. Il faut surtout rassurer la classe des propriétaires, qui risque de se désolidariser d’une République trop sociale. Il faut leur rappeler que la IIème République est bien une république conservatrice dont la priorité est de protéger leur droit à la propriété et non la République sociale réclamée par les républicains radicaux.

Lamartine se moque des inquiétudes de ses collègues de l’aile gauche :

« Tout à l’heure, [...] on vous disait : “Prenez garde, citoyens, de trop renforcer le pouvoir exécutif dont la force pourrait dégénérer en usurpation, et dont l'autorité, toute républicaine, toute nationale, pourrait devenir bientôt de la tyrannie contre vous-mêmes.” Messieurs, en écoutant l'annonce de ce prétendu péril dans la situation où nous sommes, je n’ai pu, je vous l'avouerai, retenir un certain sourire sur mes lèvres […]. »

Lamartine admet cependant que sa proposition, comme celle de son adversaire, comporte des dangers.

« Je sais bien qu'il y a des dangers graves dans les deux systèmes ; qu’il y a des moments d'aberration dans les multitudes ; qu'il y a des noms qui entraînent les foules comme le mirage entraîne les troupeaux, comme le lambeau de pourpre attire les animaux privés de raison ! (...) Je le sais, je le redoute plus que personne, car aucun citoyen n’a mis peut-être plus de son âme, de sa vie, de sa sueur, de sa responsabilité et de sa mémoire dans le succès de la République ! Si elle se fonde, j'ai gagné ma partie humaine contre la destinée ! Si elle échoue, ou dans l’anarchie, ou dans une réminiscence de despotisme, mon nom, ma responsabilité, ma mémoire échouent avec elle et sont à jamais répudiés par mes contemporains ! »

Cependant, dans cet élan de lyrisme où il mêle son sort à celui de la République, il évite soigneusement de clarifier sa position quant aux mesures qu’il conviendrait de prendre pour éviter le danger d’un coup d’état présidentiel.

Lamartine, lui-même candidat à cette élection présidentielle pour laquelle il milite, est peut-être un peu trop convaincu de son propre succès à venir pour réfléchir sérieusement à la possibilité de sa défaite, ou aux limites à apporter à une fonction à laquelle il prétend. Il conclue son discours en se dédouanant de toute responsabilité. En définitive, si le peuple choisit mal le dépositaire du pouvoir exécutif, c’est tant pis pour lui.

« Oui, [...] si le peuple se trompe, [...] s'il se retire de sa propre souveraineté après le premier pas, comme effrayé de la grandeur de l'édifice que nous lui avons ouvert dans sa République et des difficultés de ses institutions ; s'il veut abdiquer sa sûreté, sa dignité, sa liberté entre les mains d'une réminiscence d'Empire ; s'il dit : ramenez-moi aux carrières de la vieille Monarchie ; s'il nous désavoue et se désavoue lui-même, eh bien, tant pis pour le peuple ! »

Car, si le peuple vote mal : « Ce ne sera pas nous, ce sera lui qui aura manqué de persévérance et de courage. » Ainsi, le député Lamartine dédouane par avance les députés de leurs erreurs et de leur incapacité à rédiger une constitution pérenne : « Et que cette protestation contre l'erreur ou la faiblesse de ce peuple soit son accusation devant lui-même, et soit notre absolution à nous devant la postérité ! »

L’important pour Lamartine, n’est pas tant d’assurer à la République une solide assise institutionnelle, susceptible d’empêcher la possibilité d’un coup d’état présidentiel. L’important, pour Lamartine, c’est que les députés ne soient pas tenus responsables de l’échec de la République dont ils sont en train de décider du fonctionnement : « la perte de la République ne nous sera pas imputée ! », se rassure Lamartine.

Finalement, le modèle qui s’impose est celui d’un exécutif fort concentré dans les mains d’un seul homme. Ainsi, la nature présidentielle du régime est l’un des points de consensus entre les députés, excepté quelques contestataires à gauche comme Félix Pyat ou Jules Grévy. Peut-être parce que, comme l’écrit Tocqueville « nous avions conservé l'esprit de la monarchie, en en perdant le goût ». D’après lui : « On était unanime pour confier le pouvoir exécutif à un seul homme. »Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893. 

Le discours d’Alphonse de Lamartine remporte l’adhésion des parlementaires de l’Assemblée nationale Constituante. C’est ainsi que le 6 décembre 1848 se tient la toute première élection présidentielle organisée en France.


  1. Toutes les citations d’Alphonse de Lamartine sont tirées de son discours du 6 octobre 1848 prononcé à l’Assemblée nationale

  2. La Constitution de 1793 prévoyait non seulement le suffrage universel, mais aussi une forme de démocratie semi-directe, qui permettrait pour un dixième au moins des électeurs représentant la moitié plus un des départements, de soumettre à référendum toute loi votée par le Corps législatif. Elle déterminait une concentration des pouvoirs en faveur de l'Assemblée (et non du chef de l’État) ainsi que la possibilité pour le peuple de proposer directement des candidats au conseil exécutif ou de se prononcer sur les lois. 

  3. Toutes les citations de Félix Pyat sont tirées de son discours du 5 septembre 1848 à l’Assemblée nationale Constituante

  4. Toutes les citations d'Alexis de Tocqueville sont tirées de Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893. 

  5. Constitution de 1848, Chapitre V, articles 43 à 47. À noter que dans le même ordre d’idées, l’article 40 précise que « La présence de la moitié plus un des membres de l'Assemblée est nécessaire pour la validité du vote des lois. » 

  6. Discours de Jules Grévy et de Lamartine à l'Assemblée nationale, 6 octobre 1848, cités par Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2004, pp. 150-151. 

  7. Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893. 

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