Petite histoire des premières élections présidentielles en France
Nous avons vu que les députés de l’Assemblée nationale s’étaient prononcé en faveur d’un régime présidentiel durant les délibérations sur la Constitution de la IIème République. C’est ainsi qu’en décembre 1848 ont lieu les premières élections présidentielles en France.
Les candidats sont au nombre de six. De gauche à droite sur l’échiquier politique nous avons : le chimiste et botaniste François-Vincent Raspail, l’avocat Alexandre Ledru-Rollin, l’écrivain et académicien Alphonse de Lamartine, le général Louis-Eugène Cavaignac, Louis-Napoléon Bonaparte (le neveu de Napoléon Bonaparte), et le général Nicolas Changarnier.
La gauche de 1848
Raspail, le candidat anti-système
La gauche de l’époque représente les partisans d’une République démocratique et sociale. Elle est divisée entre Ledru-Rollin et Raspail, lequel défend une conception plus sociale et ouvrière de la République. François-Vincent Raspail est partisan d’une médecine populaire s’appuyant sur l’éducation à la santé et l’hygiène. Il insiste notamment sur le besoin de se laver les mains, pratique encore peu courante au XIXème siècle. Son Manuel annuaire de la santé ou Médecine et pharmacie domestiques connaît un grand succès dès sa parution et jusque dans les années 1930.
Raspail se taille une réputation de “Robin des Bois de la santé”, opposé à la médecine officielle et aux pouvoirs en place. Bien qu’il soit fait chevalier de la Légion d'honneur en 1831, il refuse cette décorationPar courrier du 18 mars 1831. au motif que : « [...] depuis la restauration, on l'a prodiguée à tant de bureaucrates ou de traîtres, qui ont tout fait contre nos libertés, qu'en l'acceptant je semblerais insulter à la situation de mes camarades de Juillet »
.
Il est aussi l’auteur d’un petit lexique Argot-Français, inspiré par ses nombreux séjours en prison. En effet, depuis ses débuts politiques en 1815, Raspail a été dans l'opposition de tous les régimes successifs, jusqu’à sa mort en 1878. Il est d’ailleurs arrêté en mai 1848, pour avoir participé à l’organisation d’une manifestation en soutien à la Pologne, et il fait donc campagne depuis les cachots du donjon de Vincennes.
Raspail est donc le candidat anti-système de ces premières élections présidentielles. Il souhaite radicalement remettre en question les institutions proposées par la Constitution de 1848. Son manifeste électoral est écrit par Pierre-Joseph Proudhon, et publié dans Le Peuple, journal socialiste auquel Raspail collabore régulièrement. Le manifeste précise : « En adhérant à cette candidature, nous n’entendons point […] donner éventuellement à la République un chef : loin de là, nous acceptons Raspail comme protestation vivante contre le principe de la Présidence ! nous le présentons au suffrage du Peuple, non parce qu’il est ou se croit possible, mais parce qu’il est impossible ; parce qu’avec lui la présidence, image de la royauté, serait impossible. »
Manifeste électoral du 15 novembre 1848, publié dans Le Peuple, n° 4, 8-15 novembre 1848.
Ainsi, en cas de succès, François-Vincent Raspail démissionnerait et demanderait l’adoption d’une nouvelle constitution. Alexandre Ledru-Rollin, quelques années plus tard, se rangera d’ailleurs de l’avis de Raspail. Mais, pour le moment, en 1848, la gauche est divisée. Et la candidature de Raspail est explicitement dirigée contre Ledru-Rollin, à qui Raspail reproche d’être du côté des institutions plutôt que du côté du peuple.
Ledru-Rollin, l'avocat du suffrage universel (masculin)
Alexandre Ledru-Rollin, l’autre candidat de gauche donc, est un avocat qui en juin 1843, a fondé le journal La Réforme et milite dès 1846 pour le suffrage universel masculin. C’est l'un des chefs de file de la “campagne des banquets”, et il a joué un rôle important dans la révolution de 1848. C’est lui qui, en mars 1848, a fait adopter par décret le suffrage universel.
Ce que Raspail lui reproche, c’est surtout d’avoir, en tant que Ministre de l’Intérieur, fait réprimer les ouvriers lors des émeutes d’avril-mai 1848, au cours desquelles Raspail est arrêté et emprisonné. Malgré ses divergences avec Raspail, leurs idées politiques sont en fait relativement similaires, comparées à celles des autres candidats, puisqu’ils sont tous deux partisans d’une république démocratique et sociale, qui intègre notamment l’idée d’un droit au travail.
Les centristes de 1848
Lamartine, le poète libéral
Au centre-gauche, on trouve le libéral Alphonse de Lamartine. Il collabore avec les conservateurs, comme par exemple Victor Hugo, qu’il nomme maire du 8ème arrondissement de Paris. Mais il n’hésite pas à soutenir ponctuellement des socialistes comme Ledru-Rollin.
Écrivain, académicien, député depuis 1833, et jusqu'en 1851, Lamartine est passé du royalisme au républicanisme dans les années 1830. Il participe activement à la Révolution de 1848, où il siège à la Commission exécutive du gouvernement provisoire et occupe le poste de ministre des Affaires étrangères de février à mai 1848. Il va jusqu’à déclarer à l’Assemblée nationale : « Cette république c’est moi qui l’ai faite »
Lamartine, discours du 6 septembre 1848, cité par Gérard-Michel Thermeau dans “Lamartine : le poète à l’épreuve du pouvoir”, Contrepoints, mars 2019. .
Lamartine ne publie aucun manifeste électoral. Son nom et sa vie sont selon lui un manifeste suffisant. Il ne sent pas la nécessité de faire campagne et déclare même, « Je ne brigue pas les suffrages. Je ne les désire pas. Je ne fais ni manifeste ni programme. »
Cité par Dominique Dupart dans “Suffrage universel, suffrage lyrique chez Lamartine, 1834-1848”, Romantisme, vol. 135, n°1, 2007, pp. 9-21. Il reste relativement peu connu des masses laborieuses de province ; et à l'évocation de son nom, beaucoup de paysans se demandent : “Qu'est-ce que cette Martine ?”
Cavaignac, le bourreau de Juin
Au centre-droit, on trouve les républicains dits modérés, menés par le général Louis-Eugène Cavaignac. Chevalier, puis officier, et enfin commandeur de la Légion d'honneur, le général Cavaignac participe, dans les années 1840, à la conquête de l'Algérie, dont il devient gouverneur général en 1848.
De retour en France, il est nommé ministre de la Guerre par le gouvernement provisoire de la IIème République, puis chargé par l'Assemblée de réprimer l'insurrection des Journées de Juin. La brutalité de la répression qu’il exerce vaut à Cavaignac le surnom de “Boucher de Juin” ou de “Bourreau de Juin” parmi les ouvriers parisiens.
Satisfaite de ses bons et loyaux services, l'Assemblée nomme le “bourreau de Juin” chef du pouvoir exécutif et lui confère le titre de président du Conseil des ministres. Il forme alors un gouvernement provisoire qui réprime les républicains les plus radicaux, et prend plusieurs mesures pour limiter le droit de réunion et la liberté de la presse.
Cavaignac est donc détesté par les ouvriers, mais il bénéficie du soutien de la majorité des députés, lesquels ont voté une motion déclarant qu'il “a bien mérité de la patrie”Votée le 28 juin, cette motion de confiance lui a été confirmée lors de la séance du 25 novembre. Cf. Léonide Babaud-Laribière, Histoire de l'Assemblée nationale constituante, t. 1, Michel Lévy, Paris, 1850, p. 209. . Cavaignac est de facto à la tête du gouvernement depuis le 28 juin, mais sa popularité dans le pays est sur le déclin.
La droite de 1848
À droite, le parti de l’ordre rassemble des tendances très diverses. Le parti de l’ordre regroupe à la fois des monarchistes et des républicains conservateurs.
C’est précisément à cause de cette division que le parti n’arrive pas à s'entendre sur un candidat commun, et qu’il en vient à soutenir la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte. Adolphe Thiers, le chef de file de ce parti de l’ordre, déclare à propos de ce dernier : « C'est un crétin que l'on mènera ! »
cf Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2004, p. 153.
Louis-Napoléon, le neveu de l'empereur
Mais qui est vraiment ce nouveau Bonaparte ? En 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est député à l’Assemblée nationale. Mais il a déjà deux tentatives de coup d’état contre la monarchie de Juillet à son actif : la première en 1836 (Strasbourg), la seconde en 1840 (Boulogne-sur-Mer). Après six ans de prison, il s’est évadé du fort de Ham en 1846, en se faisant passer pour un maçon du nom de Badinguet.
Louis-Napoléon Bonaparte a d’ailleurs publié depuis sa prison une brochure intitulée De l'extinction du paupérisme (1844) où il se présente comme un démocrate. Il y écrit : « Aujourd’hui, le règne des castes est fini, on ne peut gouverner qu’avec les masses ; il faut donc les organiser pour qu’elles puissent formuler leurs volonté, et les discipliner pour qu’elles puissent être dirigées et éclairées sur leurs propres intérêts. »
Louis-Napoléon Bonaparte, De l’extinction du paupérisme, Pagnerre, Paris, 1844. Lire en ligne.
Dans cette brochure sur l'extinction du paupérisme, il s’intéresse tout particulièrement à la classe ouvrière. D’après lui : « La classe ouvrière ne possède rien, il faut la rendre propriétaire. (...) Il faut lui donner une place dans la société et attacher ses intérêts à ceux du sol. »
En effet, il s’agit de préserver l’ordre et la hiérarchie, menacés par de possibles soulèvements populaires. L’idée que la propriété est amie de l’ordre et qu’elle étouffe la tentation de renverser le pouvoir en place est ancienne. Pour Louis-Napoléon, « La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l’opulence ne sera plus oppressive [...]. »
Il s’agit donc de redistribuer un tantinet les richesses du pays, pour satisfaire aux besoins de la classe ouvrière, et ainsi éviter le risque d’une révolte des classes populaires. La solution, certes peu applicable, proposée par Louis-Napoléon est de distribuer aux ouvriers les terres incultes du pays.
« C’est un capital mort qui ne profite à personne. Que les chambres décrètent que toutes ces terres incultes appartiennent de droit à l’association ouvrière [...] ; qu’elles donnent à ces bras qui chôment, ces terres qui chôment également, et ces deux capitaux improductifs renaîtront à la vie l’un par l’autre. »
Dans sa brochure, Louis-Napoléon Bonaparte met en avant l’autorité des experts pour légitimer son projet.
« En résumé, le système que nous proposons est la résultante de toutes les idées, de tous les vœux émis par les économistes les plus compétents depuis un demi-siècle. »
Tout en utilisant sa brochure de 1844 pour séduire les classes populaires, Louis-Napoléon Bonaparte donne des gages de conservatisme et de traditionnalisme au parti de l’Ordre. Il tend par ailleurs la main aux libéraux en promettant de diminuer les impôts et de réduire la fonction publique.
Avant tout, Louis-Napoléon Bonaparte cherche à rassurer sur ses intentions. Lors de sa campagne présidentielle, il déclare dans son manifeste : « Je ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l'Empire et la guerre, tantôt l'application de théories subversives. [...] Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de quatre ans, à mon successeur le pouvoir affermi, la liberté intacte, un progrès réel accompli. »
Manifeste du Prince Louis-Napoléon, 27 novembre 1848. Lire en ligne.
Changarnier, la nostalgie de l'ancien régime
Plus à droite encore, on trouve Nicolas Changarnier, surnommé le général Bergamote. Son opposition à la République est ancienne et familiale. Comme Cavaignac, Nicolas Changarnier est commandeur de la Légion d'Honneur et a participé à la conquête de l’Algérie.
Il représente le parti des monarchistes et incarne une opposition à la République très minoritaire, un courant réactionnaire qui a la nostalgie de l’Ancien Régime et de la royauté. Il devient candidat un peu malgré lui, après avoir été choisi par une poignée de monarchistes légitimistes, c’est-à-dire ceux des monarchistes qui souhaitent un retour au pouvoir de la famille des Bourbons, par opposition aux partisans de la branche des Orléans.
La visibilité des candidats sur le territoire est très variable, et dépend notamment du nombre et de l’influence des journaux qui leur sont favorables. Très vite, il apparaît que le duel au sommet se joue entre Louis-Eugène Cavaignac et Louis-Napoléon Bonaparte. Ainsi, selon l’expression de George Sand, les élections présidentielles de 1848 n’offrent le choix qu’« entre le sabre sanglant de l’Algérie et l’épée rouillée de l'Empire »
Pierre Vermeylen, Les Idées politiques et sociales de George Sand, Éd. de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1984, p. 304. Cité par Éric Anceau dans “George Sand et le pouvoir politique, du coup d’État du 2 décembre 1851 à la révolution du 4 septembre 1870”, dans George Sand, Terroir et histoire, Noëlle Dauphin (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 247-262. .
La France compte alors 36 millions d'habitantsLouis Henry et Yves Blayo, “La population de la France de 1740 à 1860”, Population, 30e année, n°1, 1975, pp. 71-122. , et sur dix millions d’inscrits, sept millions et demi d’hommes votent pour le premier président de la République, le 6 décembre 1848.
Les résultats
Que disent les sondages de l’époque ? Le journal Le Peuple, par exemple, fait paraître le 7 décembre, des prévisions électorales qui annoncent une courte victoire de Louis-Napoléon Bonaparte (avec 3 millions et demi de voix) sur Eugène Cavaignac, à qui le journal de Raspail et Proudhon attribue 3 millions de voix. Lamartine est placé en troisième position avec 1 million de voix et demi, suivi de Raspail avec 500 000 voix et Ledru-Rollin avec 300 000 voix.
Ces prévisions sont-elles justes ? Pas exactement... Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est effectivement élu président de la République et devient le premier chef d'État français élu au suffrage universel.
Mais le neveu de l’empereur l’emporte haut la main avec plus de 5 millions et demi de voix, près des trois quarts des suffrages exprimés, soit 55,5 % des inscrits. Le duel n’en est pas un.
Cavaignac est finalement à moins de 20 %, avec un peu moins d’un million et demi de voix. Ledru-Rollin fait un peu mieux que ne l’estimait Le Peuple, avec 5 % des suffrages. Quant au candidat que soutient Le Peuple, c’est-à-dire Raspail, il n’obtient que 0,5 % des suffrages exprimés. Certes, c’est plus que Lamartine, qui fait un score dérisoire, tout comme Changarnier. Mais la gauche est défaite, et le neveu de Napoléon est largement plébiscité.
Quant à l’abstention, qui tourne autour de 25 %, elle est en hausse depuis les élections législatives d’avril 1848, où elle était inférieure à 20 %Frédéric Salmon, Atlas électoral de la France 1848-2001. .
Le grand vainqueur et premier président de la République française, Louis-Napoléon Bonaparte, s’avère moins manipulable que le pensait Thiers, et ne tarde pas à se détacher du parti de l’ordre pour former un parti présidentiel autour de sa personne. Dès son élection, il soigne sa popularité, fait des tournées en province, et se rend dans les écoles, les hôpitaux et les casernes.
Le duel prévisible entre l’Assemblée nationale et le premier président de la République débouche sans surprise sur un coup d’état. Félix Pyat s’en plaignait déjà en septembre 1848 quand il déclarait : « Singulier peuple que nous sommes ! Nous savons conquérir la liberté, nous ne savons pas la garder ! »
Félix Pyat, discours du 5 septembre 1848 à l’Assemblée nationale Constituante.
Le coup d'état du président
Ce coup d’état était doublement prévisible, à la fois en raison des ambitions d’un homme qui avait déjà tenté deux coups d’état, et en raison des faiblesses institutionnelles de la IIème République.
Comme on s’y attendait, fort de son statut de président, quelques mois avant la fin de son mandat non-renouvelable de quatre ans, Louis-Napoléon Bonaparte réussit enfin son troisième coup d’état, le 2 décembre 1851. Son oncle a mis fin à la Ière République, Louis-Napoléon met fin à la IIème République.
Le coup d’état s’accompagne d’une première vague d’arrestations, au cours de laquelle sont arrêtés une soixantaine de socialistes, plusieurs députés conservateurs comme Adolphe Thiers ou Alexis de Tocqueville et même deux des candidats à l’élection présidentielle : le général Cavaignac et le général Changarnier. Raspail, lui est toujours en prison, et Ledru-Rollin a fuit en Angleterre pour échapper à la déportation.
Cette première vague d’arrestation sera suivie de plusieurs autres, qui aboutissent à l’emprisonnement ou l’exil de la plupart des opposants républicains. Les mesures limitant la liberté de la presse et la liberté d’association sont généralisées. Après avoir férocement réprimé l’opposition républicaine toutes nuances confondues, c’est-à-dire des socialistes les plus radicaux aux républicains les plus conservateurs, Louis-Napoléon Bonaparte organise deux plébiscites pour confirmer son pouvoir, et se proclame un an plus tard empereur des Français, sous le titre de Napoléon III.
L’expérience de l’élection du président de la République au scrutin universel ne sera d’ailleurs pas renouvelée avant 1965, car la majorité des républicains estiment, depuis le résultat des élections de 1848, que le risque d’aboutir à une dictature césariste plébiscitaire est trop grand.
Quant à Lamartine, l’homme qui a proclamé la IIème République et qui prétendait l’incarner, il est décrédibilisé au niveau politique, mais aussi décrédibilisé au niveau littéraire, à cause d’une production alimentaire qui lui vaut le surnom de “tire-lyre”. Si la France est tombée avec le coup d’état “dans une réminiscence de despotisme”, sa “partie humaine contre la destinée” semble bien perdue. À la fin de sa vie, malade et ruiné, il accepte l'aide de Napoléon III, qui le loge gracieusement dans un chalet du bois de Boulogne. C'est là, au 135 avenue de l'Empereur, qu'il meurt, vingt et un ans après avoir proclamé la IIème République.
Et cette IIème République conservatrice, qui a réprimé les révoltes ouvrières dans le sang, et qui n’a pas su fonder des institutions pérennes, laisse un souvenir mitigé à beaucoup.
Du côté des républicains, Louis-Napoléon Bonaparte est vivement décrié, et Victor Hugo publie dès 1852 son pamphlet Napoléon le petit, qui lui vaudra d’être expulsé de Belgique où il s’était exilé suite au coup d’état. Plus à gauche, Karl Marx qualifie Louis-Napoléon et ses complices de “bandits de grands chemins”Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Éd. sociales, 1969, nouvelle éd., 1984, pp. 188 et suiv. Cité par Éric Anceau, “Le coup d'État du 2 décembre 1851 ou la chronique de deux morts annoncées et l'avènement d'un grand principe”, Parlement[s], Revue d'histoire politique, 2009/2 (n° 12), p.24-42. et attribue le résultat du plébiscite à l’ignorance de la paysannerie française, facilement manipulable.
Sans doute beaucoup partagent l’avis de George Sand, pour qui : « Après tout, lorsque les lois fondamentales d’une république sont violées, les coups d’État, ou pour mieux dire les coups de fortune ne sont pas plus illégitimes les uns que les autres […]. Nous n’étions vraiment plus en république, nous étions gouvernés par une oligarchie, et je ne tiens pas plus à l’oligarchie qu’à l’empire. Je crois que j’aime encore mieux l’empire. »
George Sand, Correspondance, t. X, lettre n° 5171 à P.-J. Hetzel, édition Georges Lubin, Garnier frères, Classiques Garnier, 1973. Cité par Éric Anceau dans “George Sand et le pouvoir politique, du coup d’État du 2 décembre 1851 à la révolution du 4 septembre 1870”, George Sand, Terroir et histoire, Noëlle Dauphin (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 247-262.
Au-delà de l’ambition prévisible de Louis-Napoléon Bonaparte, ce sont les institutions de la IIème République qui, dès le départ, ont été mal conçues.
Pour Alexis de Tocqueville : « C’était rendre la république impossible que de laisser au président le pouvoir qu'avait le roi et le faire élire par le peuple. (...) Dans de telles conditions, que pouvait être un président élu par le peuple, sinon un prétendant à la couronne ? L'institution ne pouvait convenir qu'à ceux qui voulaient s’en servir pour aider la transformation des pouvoirs présidentiels en royauté [...]. »
Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893.
Pour Ledru-Rollin, le problème est plus profond. C’est le mandat représentatif lui-même, et la trahison du peuple par ses représentants qui posent problème. Dans une brochure de 1851 intitulée “Plus de président, plus de représentants”Alexandre-Auguste Ledru-Rollin, Plus de président, plus de représentants, La voix du proscrit, 1851. , il réclame le gouvernement direct du peuple par le peuple, et déclare : « Oui, un peuple qui se fait représenter cesse bien d'être libre, car la France, libre en Février, en se donnant des représentants s’est, par là même, donné des maîtres. »
Pour l’ex-député : «La félicité d’une nation ne peut donc dépendre des personnes, elle ne doit reposer que sur des principes. »
Ledru-Rollin en conclue que « le Peuple doit faire par lui-même tout ce qu’il peut raisonnablement faire ; il faut que sa grande, son unique affaire soit sa liberté et son bonheur. »
-
Manifeste électoral du 15 novembre 1848, publié dans Le Peuple, n° 4, 8-15 novembre 1848.
-
Lamartine, discours du 6 septembre 1848, cité par Gérard-Michel Thermeau dans “Lamartine : le poète à l’épreuve du pouvoir”, Contrepoints, mars 2019.
-
Cité par Dominique Dupart dans “Suffrage universel, suffrage lyrique chez Lamartine, 1834-1848”, Romantisme, vol. 135, n°1, 2007, pp. 9-21.
-
Votée le 28 juin, cette motion de confiance lui a été confirmée lors de la séance du 25 novembre. Cf. Léonide Babaud-Laribière, Histoire de l'Assemblée nationale constituante, t. 1, Michel Lévy, Paris, 1850, p. 209.
-
cf Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, 2004, p. 153.
-
Louis-Napoléon Bonaparte, De l’extinction du paupérisme, Pagnerre, Paris, 1844. Lire en ligne.
-
Manifeste du Prince Louis-Napoléon, 27 novembre 1848. Lire en ligne.
-
Pierre Vermeylen, Les Idées politiques et sociales de George Sand, Éd. de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1984, p. 304. Cité par Éric Anceau dans “George Sand et le pouvoir politique, du coup d’État du 2 décembre 1851 à la révolution du 4 septembre 1870”, dans George Sand, Terroir et histoire, Noëlle Dauphin (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 247-262.
-
Louis Henry et Yves Blayo, “La population de la France de 1740 à 1860”, Population, 30e année, n°1, 1975, pp. 71-122.
-
Frédéric Salmon, Atlas électoral de la France 1848-2001.
-
Félix Pyat, discours du 5 septembre 1848 à l’Assemblée nationale Constituante.
-
Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Éd. sociales, 1969, nouvelle éd., 1984, pp. 188 et suiv. Cité par Éric Anceau, “Le coup d'État du 2 décembre 1851 ou la chronique de deux morts annoncées et l'avènement d'un grand principe”, Parlement[s], Revue d'histoire politique, 2009/2 (n° 12), p.24-42.
-
George Sand, Correspondance, t. X, lettre n° 5171 à P.-J. Hetzel, édition Georges Lubin, Garnier frères, Classiques Garnier, 1973. Cité par Éric Anceau dans “George Sand et le pouvoir politique, du coup d’État du 2 décembre 1851 à la révolution du 4 septembre 1870”, George Sand, Terroir et histoire, Noëlle Dauphin (dir.), Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 247-262.
-
Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Calmann-Lévy, 1893.
-
Alexandre-Auguste Ledru-Rollin, Plus de président, plus de représentants, La voix du proscrit, 1851.